Les patientes sont actuellement bombardées d’informations sur la médecine esthétique et sur la Chirurgie Esthétique. La Chirurgie Esthétique, dans notre société orientée vers l’apparence, le bien-être et l’aspect jeune, est en effet un sujet porteur dans les media, les magazines, les sites internet, et les réseaux sociaux. Certains praticiens profitent de ces médias et de ces posts sur les réseaux sociaux pour leur promotion personnelle. Ces posts sur les réseaux sociaux sont en effet souvent calculés pour apporter des patientes au cabinet du chirurgien, en promettant plus que la réalité, et en minimisant les risques de complications, et la possibilité de résultats non favorables ou simplement juste moyens.
+ - Ethique et Chirurgie Esthétique
Les sites internet et les réseaux sociaux parlant de Chirurgie Esthétique sont trop souvent construits pour réaliser la promotion d’une intervention sur une autre, ou pour réaliser la promotion personnelle d’un chirurgien ou d’un établissement. Ces activités de promotion personnelle peuvent aboutir à une mauvaise image et une mauvaise pratique de la Chirurgie Esthétique. La chirurgie esthétique est une branche de la Médecine. Elle doit garder les principes éthiques de la pratique médicale : ne pas nuire, donner une information claire et loyale, ne pas pratiquer la Médecine comme un commerce, et donner les soins les meilleurs à chaque patient. Les abus récents constatés dans les médias et les réseaux sociaux nous ont inspirés cette réflexion globale sur : « éthique et chirurgie esthétique ».
Dérives éthiques constatées en Chirurgie Esthétique
Lorsqu’on regarde une émission consacrée à la Chirurgie Esthétique à la télévision ou lorsqu’on prend le temps de regarder l’activité concernant ce sujet sur les réseaux sociaux, on peut constater de nombreuses dérives. Voici quelques exemples de dérives constatées :
- Immaturité de la demande: les patientes consultent parfois sans but. Elles consultent pour « se renseigner » comme elles le feraient pour un bien de consommation. Avoir une augmentation mammaire n’est pas comme acheter des sous-vêtements ; ou avoir un lifting n’est pas comme acheter une voiture de luxe. La demande en Chirurgie Esthétique est un point crucial de la réussite d’une intervention ++.
- Intervention de Chirurgie Esthétique chez des mineures (le sujet de la chirurgie réparatrice, pour les malformations par exemple, est complètement différent sur ce point) : en France, nous attendons habituellement la majorité pour envisager une intervention de Chirurgie Esthétique. Dans certains pays, la limite a été dépassée, certains chirurgiens acceptent d’opérer à l’adolescence. Cela peut potentiellement être source de déboires, lorsque l’adolescente est en simple phase de réassurance et de maturation psychologique, elle se trouve de nombreux défauts supposés, correspondant juste à une période critique de sa construction personnelle. L’éthique est ici essentielle.
- Dérives sur les réseaux sociaux: ces dérives peuvent venir de certains chirurgiens qui se mettent trop en avant sur les réseaux sociaux (ce ne sont souvent pas les plus compétents ! Car les plus expérimentés ont beaucoup de travail, et n’ont pas le temps de s’impliquer sur les réseaux sociaux car ils sont en train d’opérer, et ne peuvent se disperser dans des activités secondaires). Il a été constaté des manques de respect des patientes, le non-respect du secret médical, et le non-respect du principe de donner une information claire, loyale et équilibrée. Ces comportements vont à l’encontre de l’éthique, et devraient faire l’objet d’une attitude très critique et prudente de la part des patientes.
- Pratique d’interventions non validées scientifiquement et mises en avant pour se faire connaitr Ces interventions, pratiquées sans respect du processus scientifique d’évaluation, représentent une dérive éthique certaine.
- Dérives de patientes sur les réseaux sociauxexposant leur intervention ou leurs parties intimes, et pouvant se mettre en danger psychologique et médiatique.
- Sites internet publicitaires avec description dithyrambique du praticien sans la réalité scientifique et le travail préalable qui vont avec (par exemple, dans de nombreux sites internet, est inscrit « a écrit de nombreux articles scientifiques » : après vérification, l’auteur a écrit seulement un ou deux articles scientifiques, inspirés par son maitre, lorsqu’il était interne ou assistant à l’hopital).
- Non-respect des patientes avec des interventions filmées mises sur YouTube sans respecter leur intimité, ou leur anonymat ; ou tout simplement sans respecter l’honneur de la spécialité.
L’ensemble de ces pratiques non éthiques peuvent nuire aux patientes ; nuire à l’image de la spécialité ; nuire indirectement à la Chirurgie Esthétique, qui peut être pourtant source de grand bonheur pour la majorité des patients qui en bénéficient.
Qu’est-ce que l’éthique ?
L’éthique n’est pas seulement une branche de la philosophie ; ce n’est pas le droit ; ce n’est pas la religion ; et ce n’est pas la morale.
L’éthique est un processus de réflexion, qui est un plan fondamental et essentiel de la condition humaine. Ce processus dynamique et prospectif nait d’une tension entre deux propositions légitimement défendables, qui sont passées à la réflexion en considérant le Bien (pôle premier de l’expérience humaine) et le Juste (« penser justement et agir justement »).
L’éthique n’est donc pas un savoir, mais un état d’esprit qui vise une profondeur, source de fécondité. Cette réflexion n’appartient à personne ou plus exactement devrait appartenir à chacun. Chacun doit se saisir de cette réflexion pour prendre la bonne décision, la bonne attitude, ou la bonne position par rapport à un sujet. Aussi, l’éthique n’est pas figée, et elle peut au contraire évoluer en fonction des cultures, de la connaissance scientifique, des époques, et des circonstances de la vie. Ainsi, et en pratique, le fait de se poser une question éthique est déjà un grand pas vers une approche éthique (« Celui qui cherche la sagesse est un sage, celui qui croit l’avoir trouvée est un fou » Sénèque).
Ethique des patientes
Le plus souvent, lorsqu’on pense éthique et chirurgie esthétique, on pense au devoir éthique des praticiens. Si l’on a bien compris ce qu’était l’éthique, l’approche éthique (réflexion féconde), concerne aussi les patientes. Chaque patiente aura sa propre approche éthique en fonction de son cas médical particulier, de son histoire personnelle, de sa culture, de son entourage et de son environnement. L’important est la réflexion éthique, qui peut se situer aux différents temps de la chirurgie esthétique. Le premier questionnement éthique peut être : « Est-ce justifier de demander une intervention de chirurgie esthétique pour moi, alors que je vais bien, que je ne suis pas malade, et que je ne suis pas si malheureuse ? ». Se poser cette question est toujours bien pour affirmer son désir. Ce questionnement devra cependant plutôt se faire après une consultation de Chirurgie Esthétique avec un chirurgien compétent et expérimenté. Lors de la consultation, l’indication sera précisée, la pertinence de l’intervention confirmée et les avantages, inconvénients, et risques de l’intervention discutés. L’hésitation de la patiente candidate à une la Chirurgie Esthétique est une chose bien normale, compréhensible, et certainement nécessaire. Cette hésitation peut permettre en effet la maturation de son désir. La deuxième question éthique peut être : « Est -e que ma demande est bien précise et personnelle ? ». Il est important d’être honnête avec soi-même sur sa demande. L’intervention doit être réalisée pour soi-même, et non pour faire plaisir à quelqu’un. Idéalement, la demande doit être sincère, personnelle et profonde. C’est la qualité de cette demande exposée précisément au praticien qui permet à celui-ci d’évaluer s’il peut répondre précisément à cette demande afin que la chirurgie esthétique soit réellement utile et féconde.
L’honnêteté dans la présentation des antécédents et de l’état psychologique, fait partie également de l’approche éthique de la patiente. En effet, ces éléments peuvent modifier profondément l’indication et la pertinence d’une Chirurgie Esthétique.
Une autre question peut être : « Ai-je assez anticipé comment sera le changement dans ma vie après la chirurgie ? ». De la même façon, se poser la question : « Serai-je capable d’assumer les critiques de mon entourage » (en cas d’entourage manquant de bienveillance ou n’ayant pas compris l’importance du projet personnel et humain représenté par la Chirurgie Esthétique).
L’éthique dans le choix du chirurgien plasticien est également fondamentale. La patiente doit apporter toute son attention au choix du chirurgien plasticien en considérant sa compétence, son expérience et ses qualités humaines. Cette recherche et ce choix d’un praticien de qualité sont importants (voir le chapitre du site « Comment choisir un chirurgien plasticien ?»). Il faut bien sûr éviter les charlatans, les praticiens non diplômés, les chirurgiens peu expérimentés, et ne pas se laisser abuser par la présence sur les réseaux sociaux, ou par le côté luxueux d’un cabinet. L’important est de se confier à un praticien compétent et expérimenté avec qui on se sente en confiance. Avant d’envisager l’intervention, il faut toujours se poser la question : « Suis-je en confiance avec ce Docteur ? »
L’éthique de la patiente en postopératoire peut être également le sérieux pour appliquer les consignes pour que les suites se passent bien. L’éthique en cas de complication est de garder une relation de confiance avec le Chirurgien Plasticien. Celui-ci doit, de son côté, vous accompagner avec disponibilité, bienveillance et patience jusqu’à ce que la complication soit résolue ; et que finalement, le résultat final satisfaisant soit obtenu.
L’éthique des patientes doit aussi se situer dans l’utilisation équilibrée des réseaux sociaux. Cette utilisation doit être modérée sur ce sujet, en se respectant, en respectant son intimité, en respectant le travail du chirurgien, et également son éthique. On peut se poser la question « Est-ce que ce post apporte quelque chose d’informatif ? » « Est-ce que ce post me respecte, et respecte ma démarche intime ? ».
L’éthique c’est aussi laisser du temps à la réflexion et à la maturation du désir. Une intervention réalisée dans la précipitation est rarement une grande réussite.
L’éthique des patientes concerne également le respect du principe que la Chirurgie purement Esthétique est une chirurgie non prise en charge par l’assurance maladie. Lorsqu’il s’agit d’une intervention purement esthétique, poser la question « Est-ce qu’on ne pourrait pas la faire passer sur la Sécurité Sociale. » est une entorse à l’éthique, et serait également une escroquerie vis-à-vis de la Sécurité Sociale, et un abus de bien social. C’est pourquoi il faut bien respecter les critères de prise en charge pour une intervention ayant parfois une prise en charge par l’assurance maladie lorsqu’elle est considérée comme réparatrice.
Enfin, l’éthique concerne aussi les avis sur les forums ou sur les avis Google. Il faut éviter les avis malsains, faux, mensongers, ou partiaux. De même, il faut éviter un avis pour se défouler en cas de complication. Toujours poser la question : « Est-ce que mon avis est équilibré, juste, et honnête ?».
Ethique des chirurgiens plasticiens
L’éthique est au cœur du métier de médecin. Le chirurgien plasticien doit rester médecin avant tout et appliquer sa réflexion éthique dans tous les actes de sa pratique. Cela peut se décliner par exemple sur :
- Appliquer les règles de la Médecine: ne pas nuire (primum non nocere) ; utiliser des techniques sûres, fiables et validées ; donner les meilleurs soins possibles à chaque patiente ; respecter le secret médical ; et donner une information sincère, claire et loyale pour permettre à chaque patiente de réaliser sa réflexion, et finalement de choisir d’être opérée ou non.
- Respecter les règles éthiques de la profession comme par exemple ne pas pratiquer une intervention de Chirurgie Esthétique pure chez les jeunes adolescentes en phase de maturation psychologique.
- Ne pas faire prendre de risques injustifiés aux patientes: par exemple par une combinaison non appropriée d’interventions (interventions à risque de phlébite comme l’abdominoplastie combinée à une autre intervention longue).
- Appliquer les règles de comportement éthique concernant les réseaux sociaux (cf. Actualités « Réseaux sociaux et chirurgie esthétique).
- Mise à jour régulière et précise des connaissances par la participation à des enseignements et des congrès scientifiques. De la même façon, pour ceux qui sont des pionniers ou des experts : nécessité éthique de partager ses connaissances et son expérience pour permettre l’enseignement de ses confrères.
- Pratique d’interventions sûres, fiables et validées avec un rapport bénéfices/risques favorable pour la patiente. Cela veut dire aussi : éviter la pratique de techniques non validées scientifiquement et n’ayant pas fait l’objet d’évaluation rigoureuse.
- Avoir une démarche éthique c’est également procurer un accompagnement humain et bienveillant aux patientes.
- Poser des indications précises avec comme seule boussole l’intérêt de la patiente. Si l’on pense que l’intervention ne doit pas être pratiquée, l’expliquer précisément à la patiente pour qu’elle le comprenne, et évite de se retrouver face à un autre praticien qui la pratiquerait, alors que l’indication opératoire n’est pas bonne. En cas de doute : toujours revenir au bon sens « S’il s’agissait de ma fille, de ma femme : est-ce que je pratiquerais cette intervention dans cette situation ? ».
- De même en cas de difficulté ou de complication rare, accompagner avec la plus grande bienveillance la patiente. Se poser la question : «Puis-je gérer seul ce problème ou dois-je solliciter l’avis d’un expert, ou d’un confrère plus expérimenté ? »
- De la même façon, en présence d’un cas difficile, toujours se poser la question suivante : « Ai-je la compétence pour réaliser cette intervention le mieux possible ou dois-je confier cette patiente à un confrère plus expérimenté ? ». C’est tout à l’honneur d’un chirurgien de reconnaitre ses limites et de proposer un confrère plus expérimenté pour assurer le bien-être de sa patiente.
- L’éthique c’est aussi le respect des maitres; « Respecter ceux qui m’ont appris mon métier » est un des principes éthiques dans l’esprit du serment d’Hippocrate.
- Enfin, l’éthique comprend également la confraternité: certains ne trouvent pas d’autres moyens pour s’élever que d’abaisser un collègue malchanceux, ayant eu une complication ou un résultat insuffisant. Cela est toujours dévastateur aussi bien pour la patiente que pour le précédent confrère. Cela peut être source de conflits marqués, ce qui est toujours négatif. L’éthique est au contraire, d’assumer avec bienveillance et compétence la prise en charge des cas délicats et difficiles (si on en a la compétence), et les éventuelles complications et résultats insuffisants d’un précédent confrère.
Conclusion
L’éthique n’est donc pas une science figée. L’éthique est un processus de réflexion fondamental et essentiel à la condition humaine. Le fait de se poser une question éthique est déjà un grand pas vers la réflexion éthique, et vers la direction de trouver une réponse éthique.
La rencontre d’une patiente ayant une demande sincère, personnelle et profonde et ayant eu une réflexion éthique personnelle, avec un chirurgien ayant une démarche professionnelle et éthique permettra de donner les meilleures chances pour obtenir un bon résultat de Chirurgie Esthétique.
Finalement, une Chirurgie Esthétique bien conduite, confrontée à la réflexion éthique, peut être un moment de bien, et peut contribuer à une vie authentiquement humaine. Cela permettra d’améliorer sereinement la qualité de vie physique et psychologique des patientes, en sécurité.
+ - La chirurgie esthétique est-elle encore tabou?
La chirurgie Plastique Esthétique est souvent présentée dans les médias comme banalisée, et devenue commune. Notre pratique montre qu’il existe, au contraire, encore un tabou important sur la chirurgie Plastique Esthétique, limitant l’accès des patientes à cette chirurgie. Or, la Chirurgie Plastique Esthétique, lorsqu’elle est réalisée dans de bonnes conditions, et avec de bonnes indications, est un élément thérapeutique remarquable, source de bien-être et de satisfaction des patientes, contribuant à leur sérénité, à leur bonheur, et à leur joie de vivre. Aussi, il convient de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour faire sauter ce tabou sociétal injuste, et dépourvu de sagesse.
« Seul un désir peut mettre l’appareil psychique en mouvement. »
Sigmund Freud
L’interprétation des rêves (1900)
Paris : PUF, 1976 : 509.
Les Chirurgiens Plasticiens exercent en France sous la spécialité ordinale de Chirurgie Plastique, reconstructrice, et Esthétique. Cette spécialité repose sur 2 jambes indissociables : La Chirurgie Plastique reconstructrice et la chirurgie Plastique Esthétique.
La Chirurgie Plastique reconstructrice, appelée encore chirurgie réparatrice, permet de corriger l’anormal (malformations), pallier aux troubles fonctionnels, corriger les séquelles d’accident, de cancers, ou liées à des agressions variées. La chirurgie Plastique Esthétique se définit comme une transformation volontaire pour modifier un aspect esthétique, modifier les écarts de la nature par rapport à des modèles morphologiques et anatomiques, qui peuvent d’ailleurs fluctuer avec les époques et les cultures. La Chirurgie Esthétique permet aussi de corriger les excès graisseux localisés (stéatoméries), les séquelles de la grossesse, ou encore réparer ou retarder les effets de l’âge sur le visage et sur le corps.
La chirurgie réparatrice est admise comme indispensable en France, et fait l’objet d’une prise en charge partielle par l’assurance maladie et les mutuelles. Elle est actuellement bien admise, et sort de notre propos d’aujourd’hui. La Chirurgie Plastique Esthétique est considérée, elle, comme non indispensable, et sort des critères de prise en charge par l’assurance maladie et par les mutuelles.Pourtant, lui nier un effet thérapeutique serait une grave erreur, et une profonde méconnaissance du sujet. Elle fait régulièrement l’objet de nombreux articles ou présentations dans les médias grand public, et est souvent présentée comme une chirurgie banalisée, et devenue commune. De nombreuses techniques chirurgicales sont présentées, mais rarement l’information est validée et équilibrée : souvent sont présentés des résultats miraculeux, ou au contraire des résultats choquants ou inesthétiques, entretenant le tabou par rapport à ce sujet. Notre pratique en Chirurgie Plastique Esthétique montre en effet qu’il existe un tabou important sur la chirurgie Plastique Esthétique, limitant l’accès des patients à cette chirurgie à impact thérapeutique puissant.
Le terme « tabou » vient d’un mot des langues polynésiennes : tapu. Ce terme tabou a été popularisé en Europe par James Cook au retour de sa première circumnavigation durant laquelle il séjourna sur l’île de Tahiti. Ce terme désigne, dans la littérature ethnologique, une prohibition à caractère sacré dont la transgression peut être susceptible d’entraîner un châtiment surnaturel. Dans le sens courant, le mot tabou est utilisé pour désigner tout interdit portant sur un acte, un fait ou son évocation, sans être limité au domaine religieux ou spirituel. Ce terme concerne la notion atténuée d’une violation de quelque chose de sacré, et peut avoir une notion un peu ironique.
Notre pratique de la chirurgie Plastique et Esthétique, et les interrogatoires de très nombreux patients, nous ont montrés que le tabou de la Chirurgie Plastique Esthétique est encore puissant et encore beaucoup de patientes n’osent pas consulter en Chirurgie Plastique Esthétique du fait de ce tabou. Très souvent, l’interrogatoire met en évidence que des personnes, même « très éduquées » et de milieux favorisés (médecins, ingénieurs, psychologues, sociologues , …) ont mis des années à franchir le pas, pour consulter en Chirurgie Plastique esthétique alors que leur demande était justifiée, personnelle, sincère et profonde, et que la correction de leur gêne pouvait se faire aisément dans de bonnes conditions. Pour mémoire, une étude (présentée en congrès) sur l’augmentation mammaire avait montré que 5 % des femmes désirant une amélioration mammaire consultaient, et environ 20% passaient de la consultation à l’intervention. Alors que le taux de satisfaction de cette intervention était supérieur à 90 %. Notre pratique quotidienne de la Chirurgie Plastique Esthétique nous montre en effet l’apport majeur de la Chirurgie Esthétique à la santé physique et psychologique de nos patientes et au bien-être et au bonheur de celles-ci. Cet apport majeur devrait être mieux connu et plus justement évalué par la société. Les excès présentés dans certains médias ont probablement contribué à faire que les chirurgiens les plus sérieux et les plus expérimentés, ayant naturellement du fait de leur réputation une grosse patientèle, ne soient pas enclins à vulgariser leur pratique et à s’exposer inutilement dans les médias, laissant alors l’espace à d’autres personnes moins rigoureuses dans la qualité de l’information apportée au grand public ; d’autant qu’il convient, en tant que Chirurgien Plasticien, de respecter la déontologie qui interdit toute forme de publicité, mais autorise seulement une information de qualité, validée, pour l’intérêt informatif du public. Cependant, il nous appartient à nous, Chirurgiens Plasticiens qualifiés et expérimentés, de mieux faire connaitre notre travail, ainsi que l’impact positif majeur et la puissance thérapeutique de nos interventions, afin que la société considère plus justement notre travail, qui n’a rien de futile mais approche au contraire l’essentiel de l’humanité. Apport que les patientes, fort heureusement, apprécient en grande majorité très positivement.
Aussi, dans cet article, nous tenterons de répondre à deux questions : Pourquoi la Chirurgie Plastique et Esthétique est-elle encore un tabou aussi puissant ? Et Comment aider à faire sauter ce tabou dans l’intérêt des patientes ?
Pourquoi un tel tabou pour envisager une chirurgie plastique et esthétique ?
Les réponses à cette question sont plurielles, en rapport avec la diversité des éducations, des expériences et des trajectoires humaines. La première raison est que la Chirurgie Plastique et Esthétique va toucher le corps. Respecter le corps dans sa fonction sacrée est probablement un devoir intrinsèque de l’homme, fidèle au principe de respecter la nature telle qu’elle a été faite. Si cette conception ancestrale correspondait à un être humain devant respecter un environnement et un corps qu’il maitrisait difficilement, aujourd’hui, avec les progrès de l’humanité et des techniques chirurgicales, la philosophie positive d’inspiration grecque (le Bon, le Bien et le Beau) nous engage au contraire à tendre vers le beau et vers le bien, et d’appliquer tous les moyens dont l’homme dispose à faire ce bien et à faire ce beau. La Chirurgie Plastique et Esthétique se situe exactement dans cette démarche lorsqu’elle est pensée de façon réfléchie et positive, et c’est en tous cas, notre conception et notre engagement humains les plus profonds.
Une autre explication de ce tabou peut être la peur des effets secondaires des interventions avec la peur des douleurs, de la souffrance, des ecchymoses, la crainte de contraintes post-opératoires, voire la peur d’un échec de l’intervention. La peur des excès de modification, surtout pour le visage, est également très présente. Il faut souligner l’injustice propre à la situation : les bons résultats ne se voient pas car ils sont naturels ; inversement un mauvais résultat (heurtant le regard par son caractère peu naturel) se verra et souvent perdurera ; si bien qu’un seul mauvais résultat pourra nuire à toute la chirurgie esthétique, malgré les très nombreux résultats qui l’entourent, et qui ne se voient pas ! Si ces peurs sont tout à fait logiques et doivent être prise en compte dans le raisonnement avant d’envisager concrètement l’intervention chirurgicale proprement dite, il est tout à fait illogique que le tabou freine la consultation auprès d’un spécialiste Chirurgien Plasticien confirmé, car c’est lors de la consultation que pourront être confirmés et expliqués : l’indication opératoire, les avantages et inconvénients, et les éventuels risques. La patiente pourra alors bénéficier de l’ensemble des éléments pour réfléchir. Si le tabou sociétal perdure et que la patiente n’arrive pas à le lever, elle n’a alors pas accès à ces informations, et ne peut pas sereinement construire sa démarche intellectuelle, pour répondre à sa demande profonde.
La culpabilité est une autre raison qui participe à ce tabou (voir l’Actualité « Culpabilité et Chirurgie Esthétique » http lien). Chaque personne a son histoire propre qui peut expliquer cette culpabilité avec ses conflits et ses hésitations. Il est cependant tout à fait illogique et même malsain qu’une culpabilité puisse empêcher une consultation. Là aussi, une consultation, si elle fait suite à une demande qui est importante pour la patiente, permettra d’exprimer les choses, de préciser la demande, et, si l’indication est bonne, et la patiente accueillie avec humanité et bienveillance par le Chirurgien Plasticien, permettra finalement de faire sauter cette culpabilité si elle était injustifiée.
La peur d’être jugé revient souvent dans les explications des patientes, notamment pour la chirurgie faciale de rajeunissement. Les patientes ont peur que l’on projette, sur elles, l’image d’une personne futile. Si la société évoluait suffisamment, cette peur d’être jugée devrait s’atténuer. De toute façon, les patientes peuvent être certaines que le Chirurgien Plasticien respectera le secret médical, et qu’elles pourront garder pour elle la confidentialité de l’intervention.
D’autres personnes pensent que réaliser une chirurgie Plastique et Esthétique est non écologique, et non respectueux de la nature. Ces personnes qui aiment le naturel et respectent la nature voudraient paraitre naturelles sans l’intervention de la chirurgie Plastique Esthétique. L’intervention, humaine, équilibrée et respectueuse de la personnalité, peut tout à fait se faire sans heurter cette sensibilité, et ces patientes doivent être rassurées par rapport à ce caractère non naturel, ou non respectueux de la nature.
D’autres patientes ont, dans leur inconscient collectif, la pensée qu’il faut apprendre à « s’accepter comme on est », qu’il s’agirait du fondement de la sagesse. Cette participation au tabou est tout à fait inadaptée. Elle traduit probablement une croyance exagérée dans le pouvoir du travail psychologique dans l’acceptation de son image corporelle. Des interventions réalisées chez des psychologues ou des psychiatres, qui avaient fait un long travail personnel, m’ont montré à de nombreuses reprises l’apport majeur de la chirurgie Esthétique dans la construction d’une image harmonieuse et d’un bien-être personnel, et ceci de façon tout à fait complémentaire avec le travail de développement personnel.
La chirurgie Plastique et Esthétique a une certaine « mauvaise presse », dans un certain milieu psychanalytique où elle peut apparaitre comme une réalisation de désirs, qui court-circuiterait les processus mentaux. Cette participation au tabou parait tout à fait erronée et traduit une méconnaissance profonde du sujet ; et maintenant, après une longue expérience, je peux affirmer pleinement le contraire. L’apport de l’intervention de chirurgie esthétique est pleinement complémentaire du travail psychologique réalisé en amont et peut parfois accélérer, de façon spectaculaire et positive, le travail psychologique. Si la demande de la patiente et son désir profond ont été bien compris et assimilés par le Chirurgien Plasticien, l’intervention de chirurgie Plastique Esthétique peut au contraire mettre en mouvement l’appareil psychique et peut être source de beaucoup de satisfaction personnelle et humaine.
L’opposition des proches reste un frein important et participer au tabou concernant la chirurgie Plastique Esthétique. Ceci est particulièrement vrai pour la chirurgie faciale notamment le lifting cervico-facial et beaucoup de femmes sont obligées de faire faire un lifting « en cachette » de leurs proches, pour ne pas subir leurs commentaires acerbes, ou leurs reproches. Beaucoup doivent prétendre partir pour une « cure de thalasso » et réapparaissent 3 semaines-1 mois plus tard en racontant ne devoir leur jeunesse qu’à leur repos et à la cure de thalassothérapie. Comme le souligne Gérard Le Gouès, psychiatre connaissant bien ce sujet, la chirurgie Plastique relève encore de la transgression, et inspire à la fois de la fascination et une obscure jalousie sociale : « si tu es plus belle et mieux conservée que moi, tu dois « avouer» que ce n’est pas naturel ». Dans l’inconscient collectif, le fait de transformer les formes et le cours de la nature a toujours un aspect sulfureux. Plus récemment, la Médecine Esthétique s’est développée de façon importante du fait des progrès importants des techniques, et s’est banalisée, et il semble que de plus en plus de patientes acceptent de parler des injections de toxine botulique ou d’acide hyaluronique (puisque 8% des français reconnaissent y avoir recours un jour, selon un sondage de 2014). En revanche, la Chirurgie Esthétique faciale reste toujours aussi tabou, et les patientes n’en parlent pas ouvertement et choisissent volontiers une période de vacances pour l’opération, « quand ça ne se verra pas au travail ».
Comment atténuer ce tabou sociétal pour la chirurgie plastique et esthétique ?
Plusieurs solutions doivent être combinées pour améliorer la situation actuelle, qui n’est pas satisfaisante car limite par trop l’accès des patientes à des interventions à pouvoir thérapeutique majeur :
- La Chirurgie Plastique Esthétique doit maintenant devenir une spécialité chirurgicale comme une autre c’est-à-dire doit pouvoir bénéficier d’un enseignement auprès des médecins généralistes et des médecins gynécologues. Cet enseignement est nécessaire pour qu’ils connaissent les possibilités de cette chirurgie, non pas pour qu’ils cherchent à la faire (comme parfois c’est le cas pour des médecins généralistes, ou des gynécologues, qui se mettent à faire des actes esthétiques simplement pour augmenter leurs revenus), mais cette formation doit permettre aux médecins de savoir écouter la demande profonde de la patiente et le désir profond de la patiente. Ecouter la demande avec son caractère intime et réfléchi, écouter le désir de la patiente comme un moyen de mettre l’appareil psychique en mouvement, et d’aller vers le bien. Le Médecin généraliste doit apprendre à parler de cela avec tact et délicatesse: nous avons remarqué que si le Médecin a parlé à la patiente de la possibilité d’une intervention, par exemple pour une réduction mammaire ou une augmentation mammaire, le tabou est alors automatiquement levé, et la patiente consultera alors facilement sans culpabilité, et pourra alors facilement assumer son désir profond. Ceci est donc un enjeu majeur pour le bien-être des patientes. Depuis que nous avons compris ce phénomène, nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie pour enseigner nos confrères et leur faciliter cette démarche fondatrice pour leurs patientes ; et pour laquelle elles sont souvent longtemps reconnaissantes envers leur Médecin.
- L’organisation d’Enseignements Post-Universitaires (EPU) pour les médecins généralistes et les médecins gynécologues est doncfondamental (et nous y prenons part de façon active) de façon à ce que ceux –ci connaissent les possibilités de notre spécialité, et les présentent à leurs patientes de façon équilibrée et positive.
- La poursuite d’une formation de grande qualité pour les spécialistes en chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique est également fondamentale. Les patientes, lorsqu’elles sont décidées après réflexion, doivent pouvoir rencontrer et être prises en charge par des praticiens très compétents, susceptibles de leur offrir les meilleurs résultats possibles. Cela est la justification de notre investissement majeur dans l’enseignement de nos confrères plasticiens, que ce soit dans notre service hospitalier, dans les formations que nous organisons régulièrement, et également dans notre investissement au niveau de la SOFCPRE (Société Française de Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique) et de la SOFCEP (Société Française de Chirurgie Esthétique Plastique), société fille de la SOFCPRE qui se consacre plus spécialement à la Chirurgie Esthétique. La participation à l’Education (au sens noble et philosophique du terme) de nos confrères est pour nous un engagement éthique fondamental. Penser justement, et agir justement, telle est l’Excellence ; ce qu’on est en droit d’appeler la sagesse, la droiture, ou la raison en termes philosophiques.
- Fournir des résultats équilibrés, naturels, et en harmonie avec la patiente est un principe professionnel qui doit faire partie de notre quotidien. C’est exactement l’esprit de la « French Touch » (cf le chapitre « Qu’est ce que la French Touch ?» https lien). La « French Touch » consiste à écouter la demande profonde de la patiente, et à proposer des solutions chirurgicales faites de modération et d’équilibre pour permettre à la patiente d’obtenir le résultat le plus naturel, et le plus satisfaisant possible. L’esprit de la « French Touch » est l’un des engagements de la SOFCEP (Société Française de Chirurgie Esthétique et Plastique), et l’on ne peut qu’encourager les Chirurgiens Plasticiens à l’appliquer concrètement et quotidiennement, et à diffuser cette approche dans les congrès internationaux, pour diffuser cet esprit, qui fait fort justement la fierté de la Chirurgie Esthétique française.
- Développer des sites internet d’information de qualité concernant la chirurgie Plastique et Esthétique est essentiel, car ce vecteur est le plus répandu actuellement, et permet de réellement fournir une information de qualité. C’est également notre démarche, et nous avons passé beaucoup de temps pour essayer de mettre en place des sites d’information scientifique, avec des informations validées, équilibrées, et régulièrement mises à jour, sur le domaine de la Chirurgie Plastique Esthétique.
- Participer à des articles d’information dans les Magazines peut être un autre moyen, mais en faisant bien attention que cette information soit de qualité et au service des patientes, et non pas au profit de la promotion d’un praticien qui souhaiterait se mettre en avant. C’est pourquoi cette information pour les Magazines ne devraient, en principe, n’être réalisée que par des praticiens chevronnés (peu suspects, du fait de leur patientèle naturellement importante, de vouloir « tirer la couverture » à eux) et ayant publié des études scientifiques sur le sujet dans des revues scientifiques nationales et internationales, et en respectant les règles de déontologie obligeant à une information de qualité, et d’intérêt général.
- Enfin, nous espérons que la diffusion de ce chapitre permettra de contribuer à la levée progressive du tabou sociétal sur la Chirurgie Esthétique. Ce tabou nous parait profondément dénué de sagesse, et tout à fait injuste, lorsqu’on connait par une pratique quotidienne l’apport majeur pour les patientes ; et la reconnaissance des patientes, qui ont pu bénéficier de ces interventions de chirurgie Plastique et Esthétique.
Conclusions
Notre pratique quotidienne de la chirurgie Plastique Esthétique nous montre que le tabou de la chirurgie Plastique Esthétique est encore bien présent, et bien puissant. Il empêche de nombreuses patientes de franchir le pas, et de consulter un Chirurgien Plasticien expérimenté.
Compte tenu de l’apport majeur de la chirurgie Plastique Esthétique à la santé physique, psychologique, et sociale des patientes qui ont pu en bénéficier, nous pensons qu’il est de notre devoir de mieux faire connaitre notre travail, et de mieux faire connaitre l’impact majeur et la puissance thérapeutique de nos interventions, afin que la société considère plus justement notre travail et fasse progressivement sauter ce tabou injuste et sans sagesse profonde. Un moyen puissant serait sans doute que lesmédecins traitants apprennent à parler de ce sujet, et adressent les patientes en consultation auprès d’un Chirurgien Plasticien expérimenté et attentif au désir profond des patientes.
Une Chirurgie Plastique et Esthétique de qualité, équilibrée, donnant des résultats harmonieux et naturels, nous parait être finalement la meilleure arme pour progressivement contribuer à lever ce tabou. C’est tout l’esprit de la « French Touch » de fournir des résultats naturels et harmonieux qui représenteront à terme, le moyen le plus sûr de participer à la levée de ce tabou, simplement par le rôle de l’exemple.
Cette Chirurgie Plastique Esthétique n’a rien de futile, et peut s’avérer représenter un acte fondateur essentiel lorsque, au mieux, toutes les conditions sont réunies (la chirurgie correspond à une demande sincère, personnelle, et profonde ; elle a été bien réfléchie par la patiente ; la patiente a été accueillie avec humanité, bienveillance, et compétence ; et l’intervention a été réalisée de façon impeccable, et a donné un très bon résultat). Il me semble que cette Chirurgie Plastique Esthétique s’approche alors, au contraire, au plus près de l’humanité, en faisant appel aux quatre vertus cardinales de l’Ethique et de l’humanité que sont le courage, la sagesse, la tempérance, et la justice.
+ - La chirurgie plastique est-elle un Art?
Le sujet de l’Art en chirurgie plastique est un sujet tabou au sein de la profession des chirurgiens. Pourtant, l’aspect artistique de la Chirurgie Plastique est bien au cœur de notre métier. Le Chirurgien Plasticien, qui ne doit pas se prétendre Artiste, doit pourtant pratiquer son métier comme un Art (avec l’attrait pour l’Art, le goût du beau, et la créativité artistique), avec la rigueur et la précision d’un chirurgien et d’un scientifique.
Le sujet de l’Art en chirurgie plastique est un sujet tabou au sein de la profession chirurgicale, et est souvent source de taquineries ou de jalousies de la part de nos confrères d’autres disciplines médicales (« Il se prend pour un artiste !») Pourtant, cet aspect artistique de la chirurgie plastique est bien au cœur de notre métier. C’est cet aspect artistique qui sépare un bon résultat (une intervention réussie aux suites simples) d’un très bon résultat ou simplement d’un « beau résultat ». Pour obtenir ce « beau résultat », il faut donner un peu plus que le « minimum chirurgical », tendre vers l’excellence, le « beau », et donner tout son cœur pour cela. Est-ce pour autant un Art ? L’Art est défini comme une activité humaine qui s’adresse délibérément aux sens, aux émotions, à l’intellect, et aux intuitions. L’Art est considéré comme le propre de l’humain, et l’objectif de l’Art est d’atteindre le beau. Cette définition de l’Art est la définition classique, elle recouvre principalement la sculpture, la peinture, l’architecture, les arts graphiques, la musique, la poésie, la danse et la littérature. On peut y ajouter d’autres arts comme le cinéma, le théâtre, la photographie, la bande dessinée, ou la mode. Cette classification des arts n’est pas universelle, il semble illusoire de retrouver une définition et une classification unanimes à l’Art qui est, par essence même, subjectif. Nous excluons de notre propos, l’extension plus récente de l’Art à des domaines qui ne font plus appel « au beau », mais à des productions humaines, plus ou moins abstraites, n’intégrant pas la notion de beau dans le résultat à produire.
Nous travaillons ici sur l’hypothèse d’un chirurgien plasticien qui est à la recherche du « beau résultat », qui ne se prétend pas « Artiste », mais qui pourrait l’être sans le savoir via l’exigence de sa formation artistique, sa sensibilité, sa passion, sa persévérance et sa créativité. Le chirurgien plasticien est un chirurgien qui agit sur l’enveloppe corporelle. Il est le chirurgien du visible, paradoxalement sa trace doit être la plus invisible possible. Les résultats, rapidement visibles, sont une leçon d’humilité et une source d’apprentissage permanent pour le Chirurgien Plasticien. La chirurgie Plastique est une branche de la chirurgie. Le métier de chirurgien est basé sur la transmission des savoirs et sur le compagnonnage, et l’on apprend auprès de ses maîtres chirurgicaux, comme on apprenait autrefois auprès de ses maîtres en Art. Cet Art est basé sur un savoir-faire transmis par les maîtres, puis ce savoir-faire doit s’améliorer ensuite en permanence, avec l’exigence dans son travail, tout au long de la vie, pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Notre métier est un travail d’expérience, et si cette expérience est confrontée en permanence aux avancées techniques et scientifiques, aux fruits de l’évaluation quotidienne permanente, l’expérience permet de nourrir des résultats de plus en plus satisfaisants. Notre métier doit être comme un Art, pratiqué avec passion, persévérance, talent, don de soi, et pensée créatrice. Notre travail est proche de celui d’un artiste travaillant sur les formes et la matière et, pour obtenir un beau résultat, il faut donner à chaque intervention tout son cœur pour cela. La difficulté de cette approche artistique dans notre métier est que nous sommes tenus à la modestie, à la rigueur, et à l’évaluation scientifique. Car, si un artiste-peintre peut refaire une nouvelle toile, nous ne pouvons faire de même, chaque personne étant unique et attendant le meilleur résultat possible pour elle-même, et pour nous, chirurgiens Plasticiens, l’exigence artistique doit aller de pair avec une exigence de sécurité et de fiabilité. Ces contraintes, à prendre en compte dans notre métier, peuvent aboutir à des compromis nécessaires dans certains cas complexes et difficiles, lorsque la peau est abîmée, les tissus relâchés, ou que les antécédents de radiothérapie pénalisent les possibilités du résultat.
La chirurgie Plastique, Reconstructrice, et Esthétique est donc d’abord une discipline chirurgicale et, dans cette approche, nous devons avoir la même rigueur technique irréprochable que la chirurgie la plus exigeante. La chirurgie plastique ne peut être pratiquée avec sécurité et efficacité qu’avec une solide expérience chirurgicale. La chirurgie plastique est basée en effet sur des connaissances anatomiques, physiologiques, techniques et médicales, qui doivent être combinées avec la compréhension des aspects psychologiques concernant la face et le corps. Des principes chirurgicaux, comme la réponse physiologique de la peau aux traumatismes, la cicatrisation, la prévention du traitement des complications s’appliquent plus à la chirurgie plastique qu’à n’importe quelle autre spécialité chirurgicale ; car dans notre discipline, tout doit être fait pour éviter au maximum le risque chirurgical. Des années d’expérience en chirurgie reconstructrice, et la connaissance précise de l’anatomie chirurgicale sont des éléments clés de la réussite d’une intervention de chirurgie plastique pratiquée avec « Art ». En chirurgie reconstructrice, nous appliquons notre art et notre talent pour recréer le mieux possible le « normal » ; en chirurgie esthétique, nous appliquons notre « Art » pour donner le meilleur résultat esthétique possible. L’apparition de nouvelles techniques ou de nouvelles technologies peuvent conduire à réévaluer des techniques plus anciennes voire, dans certains cas, d’en abandonner certaines, moins efficaces. Ces processus d’évaluation chirurgicale et d’évaluation des résultats sont nécessaires, et même indispensables. Ils doivent être suivis avec beaucoup d’attention et de sens critique pour n’appliquer dans sa pratique que les techniques les plus sûres et donnant les meilleurs résultats esthétiques possibles. La pratique assidue de congrès nationaux et internationaux (avec cet état d’esprit en tête de formation continue) est une aide majeure dans ce but. Cette pratique permet d’affiner au mieux son sens artistique, la qualité de ses résultats et la rigueur de son travail, en les confrontant aux meilleurs spécialistes mondiaux. Dans le même esprit, je considère qu’il est de mon devoir moral de partager mes connaissances, et d’offrir à la communauté les avancées techniques que je mets au point dans ma pratique chirurgicale intensive. Nous rejoignons ici la tradition ancestrale de transmission des savoirs et d’amélioration du savoir-faire telle que les transmettais les maîtres de la renaissance aux jeunes peintres et sculpteurs.
La Chirurgie plastique est donc pour moi une forme d’Art, qui réunit créativité, dynamisme, sens artistique, humanisme, et qualités humaines. Elle représente pour moi une motivation vers l’excellence et la complétude chirurgicale nourrissant mon engagement et ma passion pour la Chirurgie Plastique, sans cesse renouvelée par la reconnaissance et le bonheur de nos patients. Le Chirurgien Plasticien, qui ne doit pas se prendre pour un artiste, doit finalement pratiquer son métier comme un art, mais avec la rigueur et la précision scientifique d’un chirurgien. Pour donner un sens artistique à son travail chirurgical, il faut en effet à mon sens un mélange subtil d’assurance et d’humilité et lorsqu’une patiente me dit : « Docteur, vous êtes un artiste ! », je fais volontiers mienne la phrase de Ralph Millard : « Qui travaille avec ses mains est un ouvrier ; qui travaille avec ses mains et son cerveau est un artisan ; qui travaille avec ses mains, son cerveau et son cœur est un artiste ». Au sens de Millard, j’accepte le compliment puisqu’il correspond à mon engagement de donner le meilleur de moi-même pour donner le meilleur résultat possible, en donnant tout mon cœur et toute mon âme à la réussite esthétique de l’intervention.
La Chirurgie Plastique, comme toute chirurgie, peut comporter des risques. Le but d’un très bon chirurgien plasticien est de les limiter au maximum. Nous avons le devoir moral d’offrir à nos patients un résultat sûr et fiable, en prenant les mesures nécessaires pour limiter au maximum le risque de complications et de morbidité. Assurer la sécurité du patient et minimiser les risques, commence à la consultation initiale (le temps le plus important à mes yeux), continue avec la préparation préopératoire, la technique opératoire précise avec un sens artistique durant l’intervention, puis par la réalisation d’un suivi et de soins postopératoires consciencieux. L’approche artistique s’exprime aussi dans la Chirurgie Plastique par la sensibilité du Chirurgien Plasticien, qui doit être au service de la personne avec toute son humanité. Cette approche, telle que nous la concevons, doit être une approche humaniste et individuelle, prenant en compte la personnalité propre de la personne. La chirurgie plastique est finalement un Art vivant, en perpétuelle évolution. Les interventions sont en effet continuellement améliorées et affinées par l’évolution des techniques et de la science, mais aussi par l’expérience exigeante du Chirurgien Plasticien, pour finalement essayer d’offrir à chaque patiente le meilleur résultat possible pour son propre cas.
+ - La chirurgie plastique peut-elle contribuer au bonheur?
Le bonheur de l’être humain est une chose difficile à définir et à appréhender. D’ailleurs, le bonheur se vit plus qu’il ne se conçoit : il faut le vivre sans chercher à l’atteindre « Happiness is not a destination, it is a way of life ».
Cependant, si nous voulons tenter d’appréhender cet état de bonheur, et voir comment la Chirurgie Plastique peut y contribuer, nous pouvons dire qu’être heureux est être au mieux de soi-même. Cela nécessite de se sentir en harmonie avec son humanité profonde, et de prêter attention aux quatre dimensions de l’expérience humaine : la dimension intellectuelle, la dimension esthétique, la dimension morale, et la dimension spirituelle. La dimensionintellectuelle consiste à tendre vers la vérité. La dimension esthétique consiste à aimer le beau, et tendre vers le beau au sens large du terme. La dimension morale est représentée par la bonté et l’amour du bien et du juste. La dimension spirituelle est caractérisée par le sentiment d’unité et de cohérence avec l’univers qui nous entoure. Pour ceux qui ont la foi, ou une approche spirituelle régulièrement entretenue, ce sentiment de cohérence et d’harmonie avec les forces de la Vie et de la Nature est indiscutablement source d’apaisement, et cette paix intérieure est une des fondations du Bonheur profond et durable. Nous avons appris aussi dans notre travail de Médecin, et de notre vie d’homme, que l’état de plein Bonheur nécessite que nous soyons en pleine possession de nos moyens (physiques et mentaux). Cette constatation est d’ailleurs ancienne (« un esprit sain dans un corps sain » des romains). Notre pratique médicale nous a aussi appris que « la vie est un compromis ». Les gens naturellement aptes au bonheur ont cette capacité à prendre du recul sur la complexité de la vie et les ajustements quotidiens qu’elle impose ; et ont intégré que le bonheur durable ne peut se construire que par des compromis. Ceci est particulièrement vrai lorsque l’on a eu une épreuve personnelle importante, un problème de santé sérieux, ou simplement pour s’adapter au phénomène du vieillissement. Dans notre pratique en reconstruction, une de nos missions est d’apprendre aux patientes ce sens du compromis avec la réalité corporelle liée aux séquelles des traitements, ou des accidents. La chose est subtile, il faut apprendre le compromis, sans aucune compromission : ne jamais renoncer à « tendre vers le meilleur de nous-mêmes ».
Pour ce processus d’apprentissage, la voie de la Bienveillance est le chemin le plus direct : il faut apprendre à être bienveillant avec les autres, et surtout bienveillant avec soi-même ++. Ce savoir-faire pédagogique, acquis par l’expérience humaine des nombreux cas pris en charge, nous donne les plus grandes satisfactions de notre vie professionnelle : par exemple, lorsqu’une patiente nous dit, à distance d’une reconstruction mammaire après mastectomie : « c’est un peu bête de vous dire cela, mais je n’ai jamais été si heureuse ! Merci pour votre savoir-faire technique et artistique, mais surtout merci pour m’avoir bien accompagnée dans cette période difficile avec humanité et bienveillance ». Apprendre aux patientes la Bienveillance est également fondamental en Chirurgie Esthétique car beaucoup de patientes consultant pour une intervention esthétique ont une nature (ou des traits) perfectionniste ; or, la perfection est comme l’horizon : plus on s’en approche, plus il s’éloigne. Apprendre aux patientes la Bienveillance envers les autres, et surtout envers soi-même est le seul chemin pour réellement et durablement incorporer les bénéfices de l’intervention dans un bonheur personnel profond et durable. Une approche purement narcissique de la chirurgie, ou de la médecine, esthétiques ne pourrait conduire qu’à la répétition des actes, et à une satisfaction partielle et éphémère, et non au bonheur profond et durable.
Cette prise en compte des différentes dimensions de l’expérience humaine, doit faire considérer les cinq besoins spirituels universels qui font que nous avons besoin de nous sentir:
- Unique: unique en tant que personne à respecter, avec sa personnalité, son histoire singulière, et ses propres désirs ;
- En Union avec les autres: c’est à dire en relation épanouie avec les autres, en respectant les autres, et en se sentant soi-même respecté, et notamment dans ses aspirations profondes et ses désirs;
- Utile: dans notre travail (se sentir apprécié, et apprécier de travailler avec ses collègues, rendre service à ses clients, – ou à ses patients pour les professions de Santé-) ; utile au sein de notre famille, et utile dans la Société. Aider les patientes à reconstruire les différents piliers de leur vie (travail, famille, enfants, amis, loisirs, passions, activités spirituelles, …) lorsqu’elles sont dans une situation difficile est un des moyens de les aider à se reconstruire et à remettre de la Vie dans leur vie.
- Aimé: « Nous avons tous besoin d’être aimé ». « Aimer et être aimé » : les périodes les plus intenses de bonheur, nous les connaissons tous lorsque nous arrivons à cet état de plénitude. Cet état mérite beaucoup d’attentions car il est fragile et potentiellement éphémère. Les autres valeurs de l’humanité nous aident heureusement à le retrouver régulièrement, et à le chérir.
- Compris: dans nos désirs et nos aspirations profondes. C’est là aussi que l’attention et la bienveillance à l’autre interviennent.
Pour l’être humain éduqué, et ayant eu la chance de se cultiver au point de vue philosophique, cette démarche humaine doit se faire dans une démarche éthique ++. L’éthique n’est pas un savoir, mais un état d’esprit qui vise une profondeur humaine, source de fécondité. Cette démarche doit intégrer dans son processus créatif les quatre vertus cardinales humaines que sont : le courage, la sagesse, la tempérance, et la justice.
Avec l’Expérience et les années de pratique, nous pouvons dire sans rien exagérer, que si nous considérons bien ces différents points et cette approche humaniste, la Chirurgie Plastique, pratiquée dans ce sens éthique, intervient bien à tous les niveaux de l’humanité. Elle n’est en rien quelque chose de superficiel, mais peut représenter au contraire une approche profondément humaine, et respectueuse de la Vie.Elle peut permettre au sujet de renouer avec l’intrigue de sa vie, permettre le beau, s’approcher du bien, et permettre au Chirurgien Plasticien de remettre de la Vie en l’autre. Pour cela, le Chirurgien Plasticien doit être totalement engagé pour l’autre (son patient) pour l’aider à mettre de la Vie et de l’humour dans sa vie, autoriser et stimuler son désir de bonheur, d’harmonie, et de changement constructif. En cela, la Chirurgie Plastique réussie, constitue une aventure humaine merveilleuse pour le patient, et pour le Chirurgien Plasticien. Aussi, dans la suite de ma carrière, j’aimerais contribuer à l’ouverture de nouvelles pistes, afin que la Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique puisse continuer à participer au bonheur des hommes.


DR. EMMANUEL DELAY
50 RUE DE LA RÉPUBLIQUE
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FRANCE
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